Degrés d’attitude
1995 - 2005
Dix années d’art contemporain
Au cœur du « trajet anthropologique »
Quand rien n’est important, tout a de l’importance. C’est bien ainsi que l’on a pu envisager une autre conception de la société. En d’autres termes, le tissu social non plus comme « produit » fini, mais bien comme issu de l’entrecroisement, multiforme, de tous ces minuscules fils que sont les actes, pensées, sentiments anodins vécus au jour le jour.
C’est ainsi, aussi, que l’on peut comprendre le travail de Janusz Stega pour lequel la symbolique du tissage semble, justement, représenter l’essentiel de l’acte de créateur.
La sensibilité artistique a, toujours, la prescience aiguë du combat permanent existant entre la matière et l’esprit, le statique et le dynamique, la contrainte et la liberté, ou, pour le dire en reprenant une image de la psychologie des profondeurs, entre l’ombre incarnée des sens et de la passion et la lumière éthérée de la raison.
Comment lier les deux ? Comment vivre leur synergie ? Voilà bien, aussi, ce qui constitue la banalité de base de celui entendant faire de la vie une œuvre d’art. C’est-à-dire, le formulant ainsi ou pas, de celui qui, dans le quotidien, met l’accent sur l’aspect qualitatif de l’existence.
Exigence de plus en plus forte en cette post-modernité naissante. Écrivant l’histoire de sa vie, Oskar Kokoschka remarque que les Grecs avaient su regarder le fatalisme droit dans les yeux : on ne peut échapper à une vie que nous devons finalement vivre. C’est ainsi dit-il, que l’on est « purifié par le destin, et que l’on comprend que le libre arbitre n’est qu’un sophisme ». Je rajouterai que c’est une telle « purification » qui permet à l’œuvre d’art de s’épanouir.
Sur le terreau de la nécessité croît ce bel ouvrage qu’est l’existence, tout comme le fumier permet l’éclosion de la fleur suave. Il me semble, parmi d’autres pistes possibles, que c’est ce que nous donne à voir l’œuvre de Janusz Stega : le dynamisme de la matière se réalisant à partir de l’enracinement de l’esprit.
Ici la transcendance ne s’oppose plus à l’immanence, elles entrent en étroite synergie, et par là même induisent une intense méditation : celle où le mouvement se suspend.
Nous sommes ici au cœur du « trajet anthropologique ». Celui du rapport étroit entre la subjectivité et les « intimations » objectives de la nature, de la terre dont nous sommes pétris.
Sagesse de vrai humaniste sachant reconnaître un tel enracinement et fournissant, par là même l’exaltation du clair-obscur de toute vie.
Le catalogue
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