Degrés d’attitude
1995 - 2005
Dix années d’art contemporain
Là et ailleurs
On pourrait dire comment cela se fait : une trace de rouleau encreur à motif, puis les passages répétés d'une large brosse sur l'ensemble de la surface, la discipline de recouvrements identiques sur une longue période, et les pigments qui s'accrochent aux traits du motif pour former peu à peu des reliefs de couleur.
On pourrait dire à quoi cela ressemble : roses des sables, coraux, écorces, stalagtites, vagues, dunes...
On pourrait dire ce que cela suggère : disparition, érosion, transformation, régularité, illusion de la régularité, passage du temps, illusion du passage du temps...
On pourrait dire encore... Mais l'art résiste à tout ce que nous disons, et déborde toujours du cadre étroit des mots qui tentent de le cerner. Là est l'œuvre, celle dont les mots ne peuvent rien dire qui l'épuise, mais qui au contraire échappe toujours plus quand on voudrait l'attraper. L'œuvre est toujours ailleurs.
Ces œuvres de Janusz Stega nous échappent. Non pas par hermétisme, car l'évidence de la peinture, de sa matière, de ses couleurs, ne nécessite aucun décodage savant. Rien de moins abstrait que cette peinture là, que ces pigments retenus par les minces traits du motif initial.
Ces œuvres nous échappent à la manière d'un paysage, elles nous échappent comme le font les pierres ou les rochers, avec la même immédiateté et la même profondeur, cette même manière de parler sans parole, d'être simplement le monde, fossiles jamais achevés du mouvement perpétuel des formes minérales qui valent pour toutes nos formes...
Dans les couches de la peinture se sont déposées quelques strates du temps, le temps du peintre. Dans les couches géologiques se sont déposées les strates d'un temps que l'on croit plus vaste. Dans la patience et l'ascèse de ses recouvrements, Janusz Stega arpente sa vie, prend la mesure du temps pour mieux l'abolir dans l'affirmation répétée de sa présence au monde.
L'œuvre nous échappe, nous l'effleurons à peine avec les mots, comme la main qui passe sur la roche. Mais son souvenir est là, désormais, qui vient former à son tour d'autres strates, intérieures celles-là, dans notre mémoire. Nous croyons caresser la pierre ou l'écorce avec la main, mais c'est toujours avec la tête.
On pourrait dire que l'œuvre, c'est cela : celle qui est toujours là.
Le catalogue
en pdf (17 Mo)