Degrés d’attitude
1995 - 2005
Dix années d’art contemporain
Des images hors espace
Il y a 30 000 ans à la grotte Chauvet en Ardèche, il y a 15 000 ans à Lascaux dans le Périgord, il y a 10 000 ans dans le Salon noir de la grotte de Niaux dans les Pyrénées, l’Homo sapiens a exprimé son art sur des parois naturelles. Ces hommes préhistoriques ont utilisé les reliefs pour mettre en valeur une « vénus » ou une main faite au pochoir ou un groupe de chevaux et de taureaux ou une scène de chasse… Toutes ces peintures et gravures rupestres démontrent qu’au Paléolithique, nos ancêtres aurignaciens, solutréens et magdaléniens ont acquis une technique remarquable. Ils nous ont laissé des œuvres d’une finesse majestueuse. Ces artistes premiers ont interprété les sujets vivants de la nature dans un style dépouillé. Ces auteurs de la préhistoire ont fait vivre les parois inertes grâce à la lueur vacillante de torches. Ces fresques sortent du noir absolu du monde souterrain ; elles témoignent pour Leroi-Gourhan de l’existence de sanctuaires cohérents et magistraux et pour Jean Clottes, autre grand spécialiste des grottes ornées, elles sont des traces révélatrices d’un rituel chamanique. Mais tous deux se refusent à leur donner une signification précise.
Bertrand Gadenne use de la même démarche puisqu’il puise aux sujets vivants ou inertes de la nature ses images photoniques. On est passé de l’art rupestre fixe à l’art fugitif, éphémère et instantané. Dans les deux cas, l’art émerge de l’obscurité, la lumière jaillit du noir absolu. L’artiste projette ses réalisations non plus dans un espace confiné mais dans des lieux insolites, telle la vitrine d’une vieille boucherie de Digne. C’est l’environnement régional qui le guide dans la réalisation de ses œuvres. Le visiteur est d’abord surpris par l’apparition d’un hibou à taille humaine avant d’être émerveillé par le détail de son plumage et par ses yeux agrandis, puis, plus loin, par la gueule démesurée d’un serpent.
Dans la galerie du Cairn, Bertrand Gadenne présente un ensemble de dispositifs d’images vidéo. Le spectateur circule dans un univers immatériel. Il se déplace presque à tâtons, ébloui par l’obscurité du lieu d’où émergent des représentations des mondes végétal, animal et minéral. Il se trouve dans un univers recomposé, comme à l’intérieur d’une caverne où s’organise une constellation d’images lumineuses. Ces différentes apparitions, prélevées du paysage de la réserve géologique, mettent en jeu un ensemble de fictions proches de la dramaturgie.
Comme les hommes de la préhistoire, l’artiste s’adapte à la configuration du lieu et fait surgir du néant un réseau d’images au pouvoir évocateur.
Le catalogue
en pdf (11 Mo)