10 idées reçues sur Pythéas
Explorateur grec du IVe siècle avant notre ère, Pythéas de Marseille est l’auteur d’un traité De l’Océan, aujourd’hui disparu. Dans cet ouvrage, il a révélé au monde grec la géographie du nord-ouest de l’Europe, mentionnant l’Armorique, les îles Britanniques, l’énigmatique île de Thulé ainsi que d’autres régions non-identifiées qu’il a sans doute explorées du côté de la Scandinavie.
À son sujet, on a raconté beaucoup de choses, bien plus que ce que nous ont révélé les sources antiques. À tel point qu’il reste parfois difficile de distinguer chez Pythéas ce qui pourrait être considéré comme « historique » de ce qui relève de la légende. Ainsi, quelques idées reçues sur Pythéas demeurent encore en circulation dans la littérature, la presse et sur le web. En voici quelques exemples.
1.- Pythéas était un grand navigateur.
Dans les sources antiques, Pythéas est d’abord considéré comme un auteur, géographe, savant, parfois qualifié de philosophe. Certains fragments révèlent sa qualité d’astronome mais en aucun cas, il n’est considéré comme navigateur ou marin. Il n’empêche, Pythéas figure souvent en bonne place dans de nombreux ouvrages sur l’histoire de la navigation.
2.- Pythéas n’était qu’un affabulateur. La preuve ? À son retour à Marseille, décrivant son voyage, il n’aurait pas été cru par ses compatriotes.
Pythéas a effectivement été accusé de mensonge par Polybe (IIe s. avant notre ère) et par Strabon (Ier s.) mais ces derniers n’étaient ni ses compatriotes, ni ses contemporains. Seul le philosophe athénien Dicéarque peut être considéré comme ayant vécu à son époque. Il aurait émis des doutes sur les travaux du Marseillais, mais ce n’était pas un de ses compatriotes (et l’on ignore d’ailleurs sur quoi portait ses critiques). D’autres auteurs comme Ératosthène (IIIe siècle avant notre ère) ; Hipparque (IIe s. avant notre ère) et Posidonius (Ier s. avant notre ère) se sont appuyés sur les calculs et les témoignages de Pythéas pour étayer leur propres travaux et la recherche historique a depuis longtemps mis en évidence le caractère injustifié des accusations de mensonge émises à l’encontre de Pythéas. Rien n’indique que les Marseillais se soient moqués de lui au retour de son voyage.
3.- Le voyage de Pythéas aurait eu pour but de découvrir l’origine de l’étain et de l’ambre.
Pythéas a effectivement mentionné l’étain et l’ambre dans son traité géographique, tout comme il a fait état du mode de vie de certaines populations rencontrées, de leur agriculture, de l’élevage des animaux, de leur boisson, etc. Ses mentions de l’étain et de l’ambre sont effectivement plus détaillées que ses autres descriptions géographiques mais il faut tenir compte de la disparition de ses écrits. Sans doute n’a-t-on retenu que quelques éléments relatifs à ces deux matières dont l’origine est longtemps demeurée énigmatique aux yeux de Grecs. Tout indique, en réalité que le voyage de Pythéas avait un objectif scientifique lié aux recherches sur les latitudes.
4.- Pythéas se serait opposé aux Carthaginois.
Dans le même ordre d’idées, selon certaines hypothèses, l’expédition de Pythéas serait à replacer dans le contexte d’une profonde rivalité entre le monde grec et les Carthaginois. Il s’agissait de ravir à ces derniers le monopole de certaines voies commerciales.
En réalité, on ne connaît pas le contexte géopolitique des relations entre Marseille et les Carthaginois à l’époque de Pythéas, d’autant moins que l’expédition ne peut être précisément datée. De fait, les Carthaginois ne sont nullement mentionnés dans les fragments écrits de l’œuvre de Pythéas. Cette rivalité n’est qu’une conjecture d’historiens modernes.
5.- Le voyage de Pythéas aurait été financé par les commerçants ou par les autorités de Marseille.
On ignore tout du financement de l’expédition de Pythéas. À en croire Polybe, le Marseillais n’était qu’un simple particulier. Faut-il entendre par-là qu’il ne bénéficiait d’aucun soutien officiel ? Les sources à ce sujet restent muettes. L’hypothèse d’un soutien des commerçants ou des autorités à l’expédition de Pythéas, là encore, n’est qu’une conjecture moderne, sans fondement historique.
6.- Pythéas aurait été un envoyé d’Alexandre le Grand, qui l’avait reçu comme ambassadeur de Marseille.
Si Pythéas et Alexandre semblent avoir été effectivement contemporains, rien dans les fragments antiques ne révèle la présence d’ambassadeurs marseillais auprès d’Alexandre, encore moins la réalité d’une rencontre entre Alexandre et Pythéas. Cette hypothèse a cependant été mise en avant par l’historien Roger Dion, lequel, dans les années 1970 a cru pouvoir motiver le voyage de Pythéas par une mission commanditée par Alexandre. Roger Dion n’a pas convaincu.
7. - Thulé ne serait pas identifiable. Une dizaine de lieux pourraient correspondre à cette île mentionnée par Pythéas : l’Islande, les Féroé, les Shetlands ainsi qu’une kyrielle d’îles scandinaves.
L’identification de Thulé doit en réalité se limiter à l’Islande ou à la Scandinavie. Toute autre hypothèse peut être rejetée pour non-conformité au témoignage de Pythéas qui la situe clairement sur le cercle arctique. On peut toutefois aller plus loin. En effet, la proximité de Thulé avec la mer gelée semble plaider pour ne retenir finalement que l’Islande.
8.- Pythéas aurait décrit les habitants de Thulé.
Les partisans d’une identification de Thulé à la Norvège ont souvent écarté l’hypothèse islandaise au motif que l’île était inhabitée à l’époque de Pythéas. Mais Pythéas n’a pas évoqué les habitants de Thulé il a mentionné ceux des régions « proches de la zone glacée », ainsi que le révèlent les fragments. L’île de Thulé peut donc très bien avoir été inhabitée comme l’était l’Islande à cette époque.
9.- Pythéas aurait exploré la mer Baltique.
Il s’agit, ici encore, d’une pure hypothèse. Ses mentions d’une île de l’ambre non identifiée n’impliquent nullement qu’il ait pénétré en mer Baltique. En tous les cas, l’identification de Thulé à l’île estonienne de Saaremaa est erronée, bien qu’un musée de Thulé y ait été inauguré en 2019.
10.- Pythéas aurait voyagé sur un navire marseillais nommé Artémis à la flèche.
On ne sait rien des conditions du voyage de Pythéas et si l’on peut parfois lire certaines descriptions de son navire, Artémis à la flèche, elles proviennent du roman de Ferdinand Lallemand, le Journal de bord de Pythéas, écrit dans les années 1950 et source inépuisable de contes et légendes à propos de Pythéas.
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