À Fréjus, vestiges antiques et édifices médiévaux témoignent encore de l’histoire prestigieuse de la cité.
Cléopâtre n’a pas eu le nez fin. En ordonnant à sa flotte de fuir en plein combat, en contraignant son amant Marc-Antoine, maître de l’Orient, à renoncer à une victoire probable sur les forces de son adversaire Octave, la reine d’Égypte a transformé la bataille navale d’Actium en véritable triomphe pour leur ennemi, le futur empereur Auguste. Aussi, lorsque les trois cents galères rescapées et prises aux vaincus abordèrent le port de Fréjus en 31 avant J.-C., la face du monde venait de changer.
LE TROISIÈME PORT DE L’EMPIRE
Si Fréjus (Forum Julii) apparaît discrètement mentionnée dans les textes à l’époque de Jules César, vers le milieu du Ier siècle avant notre ère, son irruption dans l’Histoire au lendemain de cet événement majeur témoigne de l’importance de la ville dès cette époque.
Colonie de vétérans de la VIIIe légion, troisième port de l’Empire, Fréjus, cité de droit romain, connut un essor remarquable, notamment pendant le règne d’Auguste (27 avant notre ère - 14 après).
De nombreux vestiges témoignent aujourd’hui encore de ce passé prestigieux. L’imposant aqueduc dont on retrouve les traces tout au long d’un parcours de quarante kilomètres demeure sans doute la construction la plus caractéristique. Il conduisait les eaux de la Siagnole au cœur de la ville.
Fréjus a également conservé plusieurs pans de remparts du Haut-Empire (Ier siècle). Le mur d’enceinte d’environ 4 km enserrait une cité de 35 hectares. Sur la butte Saint-Antoine se dressaient d’importants édifices dont témoignent encore quelques ruines. Fréjus, située sur la voie Aurélienne, est rapidement devenue un important marché alimentant une population nombreuse. Le grand amphithéâtre (les arènes) pouvait en effet accueillir 10000spectateurs. L’édifice est relativement tardif puisqu’il ne daterait que de la fin du Ier siècle ou du IIe. Le théâtre en revanche pourrait bien revendiquer le titre de plus ancien monument de la ville. Sa construction est sans doute contemporaine de la fondation de la colonie.
LE TEMPS DES ÉVÊQUES
Des spectacles, un festival de théâtre, des concerts ou des corridas ont longtemps fait revivre ces vestiges, comme pour rappeler une époque où la culture côtoyait de près la barbarie. Ces vieilles pierres, on les retrouve souvent dans d’autres édifices plus récents. Les abords de la cathédrale et du groupe épiscopal, au cœur de la vieille ville, révèlent en maints endroits le passé antique. Ainsi, par exemple, au XIIe siècle, les marches de l’escalier de l’évêché ont été construites en pierres prélevées dans l’amphithéâtre romain.
Riche de son histoire antique, Fréjus l’est tout autant de son passé médiéval. Siège épiscopal depuis la fin du IVe siècle, elle a longtemps brillé du prestige de ses évêques, allant même jusqu’à porter l’un des siensà la tête de l’Église en la personne de Jacques Duèse, devenu pape en 1316, sous le nom de Jean XXII.
DES MONSTRES HAUTS EN COULEUR
Assurément, l’imagination des artistes médiévaux valait bien celle de nos créateurs de jeux numériques en trois dimensions. Les peintres du plafond du cloître de Fréjus, en tout cas, ne semblent pas avoir manqué d’inspiration. Sans doute hantés par les merveilles des contes et légendes de ce Moyen Age finissant et tandis que les maîtres italiens commençaient de révolutionner l’art de peindre en ce milieu du XIVe siècle, les illustrateurs fréjusiens composaient pour leur évêque quelque 1200 planchettes décorées de monstres colorés. Aujourd’hui, on peut encore admirer 400 images de ce trésor unique, ornant les caissons situés entre les poutres du cloître. Celui-ci donnait accès à la cathédrale (XIe-XIIe siècles) dont le portail Renaissance est parfaitement conservé.
Fréjus a sans doute accueilli très tôt une communauté chrétienne. Son baptistère datant de la fin de l’Antiquité (Ve siècle) illustre à merveille la transition entre la civilisation romaine et le monde médiéval.
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Illustration : Fréjus, vestiges du barrage du Malpasset