Que se passe-t-il sous la grande coupole argentée de l'observatoire de Haute-Provence, à Saint-Michel, près de Forcalquier ?
Depuis sa construction en 1958, la voûte de métal abrite un télescope de 1,93m de diamètre, fleuron de ce centre de recherches du CNRS. Ici règne une atmosphère quasi-hospitalière. Il s'agit de préserver les optiques : pas le moindre grain de poussière, pas la plus petite araignée... Déjà, le silence des étoiles se fait entendre en ce lieu.
Ne manquent que les hommes en blanc, les savants. Ils ne sont pas loin.
À LA POURSUITE DU SPECTRE
Au niveau inférieur réside le centre nerveux de l'observation, la salle des machines en quelque sorte. C'est là que travaillent les astronomes depuis qu'ils ont renoncé au petit bout de la lorgnette pour livrer leur science à l'informatique. Silence ! ici, on épie l'univers. C’est ici qu’en 1995, l'astronome suisse Didier Queloz, de l'observatoire de Genève et son collègue Michel Mayor, spécialiste de la spectroscopie stellaire, ont signé une découverte qui a marqué l'histoire des sciences de l'Univers : celle de la première planète extérieure au système solaire, repérée autour de l'étoile 51 Pégase.
L'instrument de cet exploit, s’appelait Élodie, aujourd’hui remplacé par un matériel de nouvelle génération prénommé Sophie…
Élodie et Sophie sont des spectrographes. Cet instrument recueille la lumière stellaire captée par le bon vieux télescope, avant de la décomposer pour délivrer la carte d'identité de l'étoile : le spectre. Il utilise une technologie qui a marqué l'abandon définitif de l'astronomie photographique. Le détecteur CCD qui l’équipe permet d'obtenir une image numérisée. L’appareil permet aussi de calculer la vitesse de déplacement de l'étoile. Cette dernière mesure s'avère particulièrement précieuse lorsqu'il s'agit non plus d'observer des astres isolés, mais de détecter des systèmes entiers. Autrement dit de déceler des planètes autour d'autres soleils. Ces planètes sont invisibles mais il est possible d'enregistrer leur présence grâce aux traces qu'elles laissent sur le spectre de l'étoile principale. C'est tout le travail du spectrographe.
SOMMES-NOUS SEULS DANS L’UNIVERS ?
Jusqu’en 1995, nous ne connaissions qu'un système planétaire : le nôtre. Depuis la découverte de 51 Pégase, nous savons qu'il en existe une infinité d’autres. La curiosité scientifique motive une telle recherche. Il s'agit d'étudier l'univers qui nous entoure pour affiner voire amender les théories fondatrices. L'un des principaux intérêts de cette découverte c'est que les théories de formation des planètes ont du être remises à plat. Mais une autre motivation, presque philosophique, anime aussi cette recherche. A défaut de pouvoir répondre à la question "Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?" les astronomes seraient heureux de fournir un début de réponse à une autre question à peine moins angoissante : "Sommes nous seuls dans l'Univers ?" Le professeur Tournesol, qui est aussi astronome et un peu dur d'oreille, aura compris "Où sont les petits hommes verts ?" N'ayant pas inventé Elodie, il aurait été bien en peine de répondre. Mais avant de rechercher la vie sur les planètes lointaines, il fallait d'abord prouver l'existence de ces dernières. Mais comment explorer ces mondes lointains ?
Il faut bien comprendre que l'éloignement de ces planètes est sans commune mesure avec la distance qui nous sépare des autres satellites du Soleil. Il est donc hors de question de les explorer à l'aide de sondes interplanétaires comme on le fait pour Mars, Jupiter ou Saturne... 51 Pégase affiche en effet un éloignement de 42 années-lumière. C'est à dire que sa lumière ne met pas moins de 42 ans pour nous parvenir, et cela malgré une vitesse de 300 000 km à la seconde! En d'autres termes, Elodie a vu la planète telle qu'elle était en 1953.
Pour mieux comprendre encore, imaginons le système solaire réduit à la taille de la place du village de Saint-Michel-l'Observatoire.
À cette échelle, l'étoile la plus proche serait située à 410 km, Sirius, la plus brillante à 820 km et 51 Pégase à 4 200 km !
Bien qu'à l'échelle astronomique cette distance soit malgré tout très peu de chose, les télescopes actuels parviennent difficilement à fournir de véritables images des planètes lointaines mais simplement, on l'a vu, quelques traces sur une courbe, comme celles laissées par 51 Pégase.
LES PLANÈTES EN GROS PLAN
Pégase, c'est le cheval volant, c'est aussi une constellation, autrement dit, un regroupement imaginaire d'étoiles, qui, vues de la Terre, forment une figure apparente, au même titre que les signes zodiaque. En réalité, dans l'espace, les étoiles sont regroupées en galaxies. La nôtre, la Galaxie (avec un grand "G") est communément appelée Voie Lactée. Elle est quasiment la seule visible à l'oeil nu. Les étoiles qui la composent apparaissent disposées en sphère autour de notre Terre mais son axe peut être identifié à travers ce vague brouillard d'étoiles qui traverse le ciel nocturne de part en part : la Voie Lactée.
A l'échelle inférieure, les systèmes planétaires nous semblent plus familiers puisque nous en avons un exemple sous les yeux : celui de notre étoile, le système solaire avec ses planètes et leurs satellites, comme la Terre et la Lune. C'est logiquement par là que notre connaissance de l'Univers a commencé, grâce au "Petit Pas pour l'Homme" sur le sol lunaire et aux sondes interplanétaires. Nous avons appris beaucoup de choses mais hélas, rien sur la vie extraterrestre. Il semble bien que nous soyons désespérément seuls dans le système solaire. Pourtant la plupart des astronomes et des philosophes s'accordent à le penser : si la vie a pu apparaître chez nous, pourquoi pas ailleurs ? Pour cela, il convient d'étudier l'environnement des étoiles qui ressemblent à notre soleil c'est le cas de 51 Pégase. C'est dans cette direction qu'il faut chercher.
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Article de 1998.
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Illustration : coupole du grand télescope de l’observatoire de Haute-Provence.