Degrés d’attitude

1995 - 2005

Dix années d’art contemporain

1998

Bruno Dumont

(...) L’œuvre de Bruno Dumont ne s’apparente pas à une stratégie théorique visant le concept d’art en soi. Pas plus qu’elle ne s’appuie sur une lecture historique et référencée de l’évolution de la sculpture et de la peinture. D’une manière ouverte, elle invite cependant à se positionner dans l’ambiguïté du lieu de l’œuvre. L’être-là s’affirme ici, comme présence au monde. Cette présence se décline et revêt plusieurs aspects. Elle est en premier lieu liée au temps du faire, à celui de l’ouvrage et du plaisir à œuvrer qu’elle engendre. Mais par-delà le temps du faire, le propos formel mais non formaliste, l’approche poétique ou métaphorique, mimant et défiant le recours à l’image, contribuent à cette présence et ce rapport au réel inscrits dans le lieu de l’œuvre.

En posant comme sujet de son œuvre l’œuvre même, Bruno Dumont embrasse et contourne un complexe tissu de relations. A partir de caractéristiques plastiques évidentes, d’investigations sur la forme et les matériaux, sur le rapport de la sculpture à son espace, de la peinture à son support et au mur, les connexions se démultiplient. Confortée par nulle autre logique que celle de l’arbitraire ou de la nécessité, l’œuvre se projette dans un lieu à voir et à penser.

Dans ce lieu sensible, les possibles appréhensions, toutes justifiées mais non suffisantes, s’entremêlent. Bruno Dumont ne cesse de déplacer les catégories, de les contourner. Il offre des possibilités de compréhension de son travail dans un réel, en dehors de tout dispositif d’assimilation. Les approches historiques ou descriptives ne suffisent à établir le statut de la sculpture ou de la peinture. Celles-ci existent par l’incidence de la forme et du sens, dans un temps et un lieu précis. Elles déterminent ainsi leurs propres dimensions, dans leur échelle et dans le temps, grâce à une coïncidence toujours renouvelée de l’œuvre et du regard. Les points d’accroche sont protéiformes, instables et discontinus. Pourtant, de ces alternatives, l’œuvre reconnaît sa réalité formelle et accepte sa dimension conceptuelle.

Le lieu de l’œuvre est ici rendu sensible, car en constant déséquilibre. En parcourant cette ligne elliptique, inscrite au plus profond de l’œuvre et qui se développe dans une continuelle extension, recentrant le regard et piégeant dans le même temps le discours. Bruno Dumont laisse parfois affleurer avec plaisir quelques indescriptibles indices sur la nature de l’œuvre et sur le lieu même de son origine et de son existence.


Du 8 au 25 juillet 1998

Marseille

Friche de la Belle-de-Mai

Le site de Bruno Dumont

Arnaud CÉGLARSKI