La cloche a sonné
Le travail de Catherine Marcogliese s’inscrit bien dans la tendance de sa génération artistique mais aussi dans notre époque plus riche que jamais en paysages (audiovisuel, financier, politique...). Cette inflation de paysages, la pluridisciplinarité, le métissage, la nécessité de la polyvalence, la communication par l’image tridimensionnelle... Sont autant de symptômes de notre société d’expression, qui nous renvoient l’explication des réflexions et de ce mélange des médiums caractérisant les propos de Catherine Marcogliese.
Ici la photo, l’acte photographique viennent légitimer cette filiation plastique de l’artiste à travers la captation de “paysages ready-made”, sa démarche face à la reconstruction de leur espace de restitution, face au temps.
Ces photographies mixtes donnent à voir des actes d’abstraction, tels que pétrir simultanément l’image de matérialité, de ponctuation spatio-temporelle, la relier au hors-champ par l’organisation d’un nouvel espace environnant. Soit affranchir l’image de son modèle. Élaborer un “point de vue” transposé et transgressé pour restituer un autre lieu, une autre réalité, voire une autre mémoire que celle de l’empreinte photographique ; donner un autre temps à l’œuvre composée et composite.
Des non-lieux, des paysages relevant d’un territoire imaginaire, celui des schèmes d’une sensibilité troublante qui glisse subrepticement une note, l’instant, de fragilité. Celle des contours d’une image fixée par le souvenir. Et une certaine éternité diffuse, celle de la nostalgie, des couleurs, que font résonner les négatifs rétro-éclairés. Subtile ondulation entre la force des constructions et leur rapport au temps.
Dans un travail antérieur apparaissait déjà un petit réveil mécanique. L’utilisation actuelle des pendules, réveils et autres objets comptables du temps vient donc nourrir et faire aboutir un vocabulaire déjà très empreint de cette présence. Des bancs d’école, des ardoises noires quadrillées et encadrées délimitaient le plan et le temps de travail du potache et des albums photos anciens arboraient des images, révolues, de notre mémoire : des paysages.
Ici, des horloges de grand-mères se font les cadrans de la nostalgie, portant au regard des négatifs où s’inscrivent les traces végétales et minérales telles de couleurs fossiles. Il naît de ces combinaisons une arithmétique qui mesure la portée des actes en temps - le temps qu’il comporte ; et la portée des constructions dans l’espace de la mémoire. Allant donc jusqu’à la production du temps recelé par le sens exprimé. C’est-à-dire le sens donné à son environnement. Posant ainsi la notion de paysage en termes de nature et de durée de nos relations au monde.
La pertinence plastique réside là, en ce développement singulier de l’image objet, et la gestion abstraite, jouxtant une approche minimaliste de son sujet : le temps du paysage, sa durée. Un développement complexe, qui conjugue simultanément une substitution de l’objet à la sculpture et l’image photographique de l’objet. Une association complémentaire - plutôt qu’un réel assemblage - d’images-objets et d’objets-images où l’altérité réciproque des éléments procède du sens même et du fonctionnement des œuvres. La photo, utilisée seule, en série ou juxtaposée à son double symétrique, objecte là sa réalité d’ image d’objets trouvés aux objets. Des objets porteurs, supports et inclusions d’images qu’ils renvoient ; situant le paysage comme objet vécu, consommé, soumis à un environnement de perception. Et dont l’intégration à l’installation prolonge l’image tridimensionnelle jusqu’à la sculpture virtuelle.
Cathy RESTÈGUE