Degrés d’attitude

1995 - 2005

Dix années d’art contemporain

1996

Du 7 au 23 juin 1996

Mouscron (Belgique)

Centre Marius-Staquet

Le site de Patrick Moquet

Sans titre

Ce n’est pas le sujet


SAISONS ?

Le Printemps, certes, exulte dans la touffe mimosa, l'Été barre les yeux dans la densité chaude du brun, l'Automne pousse la note dans la touche dorée, l'Hiver passe et noie dans le blanc.

Mais que donnent ensemble ces quatre Saisons plus une, une fois le thème annoncé avec des mots, un rythme et des couleurs? Tout s'égare ou devient franchement interminable (Allégorie des Saisons, Cycle de la vie et de la mort, Théorie des exceptions, l'Art sans la règle. Quintette?)

Là, pas d'illustrations ou de métaphores (si ce n'est celle de la peinture et du regard). Mais une sorte d'incarnation, en sous - main, sous couches, à l'intérieur de la matière. À côté et en même temps, des textures moins secrètes. Des exagérations formelles, sur un mode cavalier ou précieux.

Une peinture jubilatoire, physique, presque animale, mais d'une animalité capable de parler très savamment d'elle; de l'adaptation de l'espèce au milieu ainsi que d'autres ruses. Pavanes pour se faire voir. Flagrants délits de peintre; histoire d'être dans la matérialité du tableau et surtout de montrer que la structure de l'oeuvre est rebelle à son image naturelle et culturelle. Que pas un instant il ne pourrait y avoir réconciliation avec le monde sans que n'ait été ou l'écart qui existe entre la chose, le mot, l'image et ses avatars.

On le voit, il a fallu faire une série de galops d'essais. Rafler toute la surface pour conquérir le territoire et marquer des frontières pour le corps. Petit à petit rendre sensible et climatique la contagion des parties. Assurer ses arrières en quelque sorte et en finir avec tout cela en laissant voir les dessous et en ne s'occupant plus que des devants. En arriver là, pure perte pour l'illusionnisme réaliste, afin que l'image ne disparaisse pas paresseusement dans le fond de l'oeil. Affirmer au contraire que l'on est dans l'artifice et le plat. Décor et pose - Arrêt - Que tous les dispositifs du visible ont été sollicités, par les effets conjugués de la surprise et de la grâce, de la provocation et de la gêne, pour ne pas manquer la rencontre et provoquer une attente dans la présence double du regard et du tableau comme avènements.

Surprise et grâce, oui, car il s'agit bien de cette qualité du faire et du voir de l'image dans la représentation. Avec inscription dans l'ordre du spectaculaire; levée de rideaux (retour des saisons!) célébration de l'éclat somptueux des apparences, surgissement des figures dans un silence immobile suscitant émerveillement pour l'oeil.

Mais, pour le peintre, s'arrêter à ce stade serait faire métier de courtisan en ne flattant de l'apparence que ses appâts. Dans ces tableaux se glisse comme un soupçon qui montre que quelque chose d'autre se joue en camouflage, ironisant le cérémonieux et brisant l'état de grâce. Complémentaire et explicite part du refoulé. Si bien qu'aussitôt invité au centre du tableau par la majesté de l'image, il nous faudra encore trouver un champs pour la vision et sans doute à travers quelques défauts habiles de fabrication établir l'échange dans ce que l'image introduit comme attente. Ce deuxième registre, autre forme de séduction, est celui du langage. Pas n'importe lequel. Un langage désirant, sans conversation, avec tout ce qui le caractérise: effets de simulation, mélange des registres, troubles du voir, dérapages équivoques avec surtout la magie enfantine du "là pas là". L'inverse d'une mécanique, en l'occurrence d'une simple habileté technique.

C'est une peinture qui convoque fortement: nerf optique, cerveau, sensations. Grandes figures adventices au plus près de nous, familièrement nôtres, dans le plan et à l'échelle, paradant pour appâter et s'inversant aussitôt dans des effets trompeurs. D'où son attrait et ses rapports avec une certaine beauté. Celle qui a quelque chose à voir avec ce qui la nie: l'informel et le monstrueux.

Là, sous le sabot d'un cheval.


Christine RENOUX


(Propos sur les Quatre Saisons 

de Patrick MOQUET)