Le catalogue
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Pierre Lieutaghi
Ethnobotaniste
(1) Il existe plusieurs associations «Terre de Sienne» à Marseille. Celle dont il s’agit ici a été créée à l’initiative d’enseignants du collège Saint-Mauront.
Les sociétés méditerranéennes de nos régions, malgré 7 000 ans d'agriculture, n'ont jamais abandonné la cueillette des plantes alimentaires sauvages. Du champ et de la jachère aux friches et aux landes pâturées, le berger a rencontré de nombreux végétaux devenus visibles dans les « pelouses » entretenues par les bêtes. Certains, refusés par ces dernières, ont souvent gagné un statut de plantes médicinales (thym, lavande...). D'autres ont été essayés comme aliments : salades (plantes consommées à l'état juvénile) et herbes à cuire, surtout. Ces ressources ont fondé une botanique populaire aux critères très distincts de ceux de la botanique savante.
Quant aux fruits comestibles sauvages disponibles surtout en fin d'été ou en début d'automne, ils sont peu nombreux en Europe. Parmi eux, la châtaigne, aux grandes propriétés nutritives, est passée depuis l'Antiquité au rang des plantes cultivées.
Avant la venue des herbicides, les terres cultivées du Midi hébergeaient beaucoup de « mauvaises herbes », dont les « salades des champs » de premier printemps, trouvées de nos jours encore dans des lieux non traités et sur les jachères récentes. C'est le cas de la laitue scarole sauvage, souvent appelée doucette, de la délicieuse chicorée à la bûche, et aussi de la rosette du coquelicot. Considéré comme un poison dans une grande partie de l'Europe, celui-ci a, en région méditerranéenne, un double statut de remède, par ses fleurs, et d'aliment par ses jeunes feuilles qu'on mêle aux salades et qu'on cuit à la façon des épinards. Ce sont les friches pâturées qui fournissent la part la plus importante des légumes de ramassage. Les lieux rocailleux et les garrigues, à la flore comestible beaucoup moins diversifiée, offrent deux salades parmi les meilleures, la cousteline aux feuilles bleutées, fermes et croquantes, cultivée au XIXe siècle, et la laurige ou laitue vivace, de texture voisine, mangée cuite quand elle est avancée. On ne trouve dans les milieux boisés que l'asperge sauvage vraie et quelques succédanés moins savoureux. Seules, l'asperge, vendue sur nos marchés au printemps, et quelques salades évoquées ici restent couramment récoltées. Dans la région niçoise et en Ligurie, les mescluns proposés sur les étals des petits maraîchers sont plus diversifiés. Jadis ressources de survie, et utiles pendant la guerre de 1939-45, les plantes de cueillette ont permis de passer les difficiles fins d'hiver. Elles ont aujourd'hui un statut de nouveauté gustative et figurent à la carte de restaurants célèbres. Elles participent à la gastronomie traditionnelle du Midi : patience violon et laitue vivace pour les tourtes aux herbes, pointes d'asperges de garrigue pour l'omelette.
Perpétuer la connaissance des légumes sauvages favorise celle de la flore et des milieux et élargit une approche du monde qui ne sépare pas les sens de l'intelligence.
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La cousteline, salade sauvage méditerranéenne (Photo Pierre Lieutaghi)